La Moselle est profonde et coule
Et fait briller la ville au fond de tes pupilles,
Met chaque jour un peu de vase en tes yeux verts
Comme de jeunes mirabelles
Pour la liqueur. Je ne sais pas comment,
Mais la Moselle un jour cessera de couler.
Je le sais, je le lis dans tes yeux.
Tu ne mérites pas la douleur de la terre,
De houille de fer de feu de rouille d’enfer.
Tu oublieras l’acier des pluies,
Les cailloux qui ont fait sauter tes dents
De lait. Tu oublieras les poings serrés, les rats.
Que notre malheur reste ici.
Nous partirons où tu ne pourras plus pleurer.
Nous irons nous coucher du côté des étoiles
Et nous lèverons plus à l’Est,
Dans la soie au rose d’une autre nuit
Où glissent les bombyx sous nos yeux envolés.
Comment quitter nos pieds sous terre ?
Combien de temps encor nous faudra-t-il porter
Ce paysage en nous comme malédiction ?
Ce paysage au ciel de puits
Qui creuse en notre âme une mine noire
Qui a le même espoir de traverser le monde.